Il est grand temps que la guerre cesse  –  CRI d’humeur

Sommet pour la paix, Jérusalem, 8 et 9 mai 2025

La guerre à Gaza s’aventure sur des terrains de plus en plus dangereux et insupportables : l’aide humanitaire est bloquée depuis mars provoquant la famine, l’armée israélienne rase des parties entières de la bande de Gaza, il y a maintenant plus de 52000 morts et des dizaines de milliers de blessés dont une bonne partie ne sont pas des combattants du Hamas et les derniers otages ne sont toujours pas libérés. Rappelons d’ailleurs que la très grande majorité des otages libérés l’ont été par des accords passés entre Israël et le Hamas et non par des moyens militaires.

En amont des actes, il y a de nouvelles paroles inaudibles, inadmissibles, qui semblent malheureusement performatives, prononcés par Bezalel Smotrich, le ministre des finances et délégué à la défense, partisan du Grand Israël : « Dans quelques mois, nous pourrons déclarer que nous avons gagné. Gaza sera totalement détruite » « Les citoyens de Gaza seront concentrés dans le sud. Ils seront totalement désespérés, comprendront qu’il n’y a plus d’espoir ni rien à attendre de ce territoire, et chercheront à se relocaliser pour commencer une nouvelle vie ailleurs. »

Netanyahou annonce, dans la foulée, une nouvelle campagne visant à la « conquête » de la bande de Gaza et au déplacement massif de sa population. Un projet qui serait enclenché à partir du 16 mai, à l’issue de la visite de Donald Trump au Moyen-Orient. L’armée israélienne a rappelé des dizaines de milliers de réservistes pour cette nouvelle offensive. « L’opération inclut une attaque de grande envergure » et « le déplacement de la plupart de la population de la bande de Gaza » hors des zones de combat, a déclaré Effie Defrin, porte-parole de l’armée israélienne.

Comment appeler tout cela autrement que du nettoyage ethnique ?

Sans parler de ce qui se passe en Cisjordanie, avec des déplacements de population, des incursions incessantes de l’armée israélienne et des razzias de colons extrémistes (voir la documentation au jour le jour de l’association B’tselem. )

« Il est temps que cette guerre s’arrête »,
comme ont crié, les 8 et 9 mai dernier, des milliers de personnes lors d’un « sommet populaire pour la paix », rassemblant des militants juifs et arabes à Jérusalem. Cet événement était porté par la coalition « It’s Time » et par l’Alliance pour la paix au Moyen-Orient, un réseau de 160 organisations israéliennes et palestiniennes qui travaillent pour la paix et l’égalité.

« Nous ne pouvons pas laisser les extrémistes des deux camps, qui se nourrissent de vengeance, de peur et de haine, décider de notre avenir », a dit à l’Agence France-Presse Maoz Inon, entrepreneur israélien de 50 ans et militant pour la paix, coorganisateur de ce Sommet.

Emmanuel Macron a envoyé en vidéo un message de soutien de la France et annoncé que la France co-présidera en juin, aux côtés de l’Arabie saoudite, une conférence internationale pour la mise en œuvre de la solution à deux États, où devrait être annoncée la reconnaissance de l’état de Palestine par la France. Il faut maintenant que ces mots soient suivis d’actes assez forts pour peser sur le gouvernement israélien. Rappelons en particulier que l’accord d’association Union Européenne – Israël qui stipule que « les relations bilatérales reposent sur le respect des droits humains et des principes démocratiques » est toujours en vigueur. Les Pays-Bas et la France viennent de saisir la commission européenne à ce sujet.

Au-delà du rassemblement de Jérusalem, des rassemblements de soutien ont eu lieu dans de nombreuses villes, aux Etats-Unis, en Australie, dans les capitales européennes, comme à Paris, à l’initiative des « guerrières pour la paix », du mouvement de la paix et de « Standing together », rassemblement place de la Bastille auquel nous avons participé.

Par ailleurs, plus de 1000 réservistes et vétérans de l’armée israélienne ont signé, le 10 avril, une pétition pour exiger l’arrêt de la guerre dans la bande de Gaza. Ils affirment que la poursuite des opérations militaires met en danger la vie de la vingtaine d’otages encore détenus par le Hamas.

« Nous venons des unités de parachutistes, des blindés, de l’artillerie, des renseignements, de médecine militaire et nous disons : « Arrêtez la guerre et ramenez les otages, maintenant! »

Depuis ce sont 12000 anciens combattants et réservistes de toutes les unités combattantes, des forces spéciales et des agences de renseignement qui les ont rejoints.

Et les manifestations hebdomadaires à Tel Aviv ou Jérusalem s’intensifient et s’étendent de l’exigence de l’indispensable libération des otages à l’arrêt total de la guerre.

En France aussi, des voix juives s’élèvent, au-delà des militants habituels. Delphine Horvilleur, toujours partisane d’une solution à deux états, mais qui ne s’était pas exprimée de cette façon là sur la guerre actuelle a publié une tribune dans le journal TENOUA du mois de mai :

… C’est donc précisément par amour d’Israël que je parle aujourd’hui. Par la force de ce qui me relie à ce pays qui m’est si proche, et où vivent tant de mes prochains. Par la douleur de le voir s’égarer dans une déroute politique et une faillite morale. Par la tragédie endurée par les Gazaouis, et le traumatisme de toute une région.

La journaliste Anne Sinclair : « Nous sommes meurtris, déchirés par l’action que mène le gouvernement israélien à Gaza« , a écrit la journaliste, expliquant que « la forme des actions que mène l’armée israélienne à la demande du gouvernement Netanyahou est indéfendable« .

Une lettre d’une cinquantaine d’historiens, philosophes, académiciens a été publié dans La Tribune « Agir pour la situation avant qu’il ne soit trop tard » :

… le gouvernement Netanyahou  et ses ministres, la plupart d’extrême droite, attaquent la démocratie israélienne et son État de droit, sacrifient froidement les otages, multiplient les colonies en Cisjordanie, couvrent les exactions des colons et préparent clairement l’annexion des territoires occupés. Ils reprennent l’offensive à Gaza et annoncent un plan d’occupation de ce territoire et de déplacement de masse de ses populations, en contradiction flagrante avec le droit international…

Yossi Beilin, ancien ministre de la justice, ancien président du parti Meretz, rappelle qu’« Entre Israël et la Palestine, des solutions sont encore possibles, mais sans la coalition de Nétanyahou. » « La solution n’est plus un secret : elle s’inspirerait des accords Beilin-Abou Mazen de 1995, des « paramètres » Clinton de 2000, de l’initiative de paix arabe de 2002 et de l’initiative de Genève de 2003. »

Il faut maintenant que le gouvernement israélien entendent toutes ces voix, pour les Palestiniens et pour les Israéliens : Il est plus que temps.

 

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7 réponses à Il est grand temps que la guerre cesse  –  CRI d’humeur

  1. Reine dit :

    Les 3 collaboratrices du blog Maclarema étaient le 4 mai sur la place de la Bastille à l’appel des Guerrières de la paix et de La Paix maintenant pour soutenir la Conférence de la paix qui devait avoir lieu quelques jours après à Jérusalem.

  2. Nicola dit :

    C’est courageux, clair et attendu. Ce blocus est insoutenable et indéfendable. Merci beaucoup à vous. Bravo aux Guerrières de la Paix, à La Paix maintenant. Je vous lis, je vous suis. Tenez bon. Comment soutenir encore Netanyahou?

  3. Odile Krakovitch dit :

    Le texte de Delphine Horvilleur est remarquable, je l’ai lu in extenso dans La Croix. Et votre position à toutes les trois est la seule viable et tenable. Je suis contente de soutenir la même position, par mon adhésion à La Paix Maintenant.

  4. Alfred dit :

    Gaza n’est plus qu’un amoncellement de gravats dans lequel les palestiniens essaient de survivre au milieu des bombardements et des privations des besoins élémentaires à la survie. Par la destruction systématique des écoles, des hôpitaux, des usines, des terres cultivables, de tout habitat, et l’instauration de la famine, l’objectif d’Israël est de rendre la vie impossible dans l’enclave. Les organisations humanitaires sont bafouées, quand elles ne sont pas prises pour cible des snipers.
    La Cisjordanie est devenue un gruyère mité par des colons que le gouvernement encourage à annexer toujours plus de territoires.
    Au-delà de la folie génocidaire du gouvernement israélien, un sondage récent réalisé par l’Université Penn State (USA) et publié dans Haaretz révèle que 82 % des juifs en Israël approuvent l’expulsion forcée de la population de Gaza et une majorité s’oppose à l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza. Lors d’un vote à la Knesset en octobre 2024, seuls les 10 députés représentant les arabes israéliens se sont opposés à l’interdiction des activités de l’UNRWA – colonne vertébrale de l’aide à Gaza – sur le sol israélien. Les forces contestataires ne sont pas des mouvements politiques, mais des médias tels qu’Haaretz ou des organisations telles que B’Tselem ; elles sont ultra-minoritaires.
    Comment imaginer dans ce contexte qu’une « solution à deux états » serait encore possible ? Et de répondre à la première question préalable qui se pose : quel contour donner à un futur Etat palestinien, dès lors que Gaza et Cisjordanie ne sont que ruines ou désolation, sans même évoquer le problème de la continuité géographique ?
    Les manifestations de violences depuis la création d’Israël sont avant tout des violences de réaction : Nakba, occupation de territoires, emprisonnements, meurtres, provocations, …
    De mon point de vue, dans la lignée de positions d’intellectuels juifs tels que Judah Magnes, Martin Buber, Hannah Arendt, ou encore plus récemment Shlomo Sand, la seule voie envisageable doit se tourner vers la création d’un seul Etat fédératif dans lequel vivraient israéliens et palestiniens, avec une représentation au parlement proportionnelle aux origines de sa population, et qui accorderait à tous les citoyens les mêmes droits, y compris la possibilité pour les individus et les groupes de vivre comme ils l’entendent, de préserver leurs particularités, pour autant que cette liberté ne remette pas en question la vie commune. Ce nouveau pays serait multi culturel (ce qui est déjà le cas de la population israélienne) et bien évidemment multi confessionnel. La mise œuvre d’une telle solution passe nécessairement par la dissolution de l’état d’Israël, la constitution d’un nouvel Etat et sans doute l’implication d’une force d’interposition internationale pendant plusieurs années. Ce qui supposerait en premier lieu un profond changement dans la politique des Etats-Unis vis-à-vis du Proche Orient. Nous en sommes très loin à ce stade.

    • Marianne dit :

      En réponse et complément à cette contribution : L’article s’efforce, en conformité avec ce qui a toujours constitué notre ligne, de laisser ouvert les formes de résolution de ce conflit qui dure depuis si longtemps : deux états, une fédération, un état unique… (voir aussi l’article de Claire « Quelle co-existence entre Israéliens et Palestiniens ? » à propos du livre de Schlomo Sand « Deux peuples pour un état ? »). Là, vous allez beaucoup plus loin. Pour nous, en aucun cas, quelle que soit la solution qui prévaudra, il ne peut s’agir d’une dissolution de l’Etat d’Israël actuel. Nous nous sommes toujours positionnées en soutien (modeste) des forces de paix israéliennes et palestiniennes, voire israélo-palestiniennes. Si elles sont actuellement dans un moment très difficile et à coup sûr minoritaires, si l’extrême-droite guerrière a pris le dessus nous espérons qu’elles ne sont pas ultra-minoritaires !

  5. Gauthier dit :

    Je suis une goy philosémite. J’adore Delphine Horvilleur et serais d’accord avec elle si le projet de « La Paix maintenant » était réaliste. Hélas, le traumatisme du 07 octobre est tel que je comprends les Israéliens qui ne veulent pas entendre parler de deux Etats côte à côte. A cela s’ajoute aujourd’hui la menace iranienne qui met l’existence même d’Israël en péril imminent. Je suis donc très pessimiste quant à la reconnaissance d’un Etat palestinien dont on ne sait pas qui le dirigerait, le modéré Mahmoud Abbas étant totalement discrédité …

    • Marianne dit :

      mais quelle autre solution pour les Palestiniens que de disposer d’un état comme les Israéliens? C’est aussi indispensable pour la sécurité des israéliens qui ne peut pas être assurée dans les conditions actuelles. C’est évidemment compliqué à mettre en place et nécessite des dirigeants à la hauteur des deux côtés.
      A suivre…

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