Partager la publication "Un nouveau gouvernement israélien plus qu’inquiétant"
« Avec un sentiment d’inquiétude, nous passons le relais au nouveau gouvernement », a déclaré le premier ministre sortant, Yaïr Lapid (centre, laïc) au moment de l’intronisation à la Knesset du nouveau gouvernement présidé par Benjamin Netanyahou, le 29 décembre dernier.
C’est peu dire que nous partageons largement ce point de vue et que beaucoup de choses nous inquiètent profondément dans ce nouveau gouvernement : retour comme premier ministre de Benjamin Netanyahou, allié à l’extrême-droite pour revenir au pouvoir malgré ses affaires judiciaires en cours (1) ; arrivée de ministres, dont le racisme et l’homophobie s’affichent, aux postes des Finances et de la Sécurité nationale, avec un périmètre élargi (Bezalel Smotrich (2), Itamar Ben Gvir (3)); poids important des mouvements ultra-orthodoxes au détriment des laïcs ; projet d’attaque contre la Cour suprême garante des « lois fondamentales » de l’Etat (4) ; poids important également des partisans d’une annexion des Territoires palestiniens et d’un traitement discriminatoire des Arabes d’Israël (5) ; projet de développement des implantations en Cisjordanie : « Le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur la terre d’Israël. Mon gouvernement développera l’implantation partout, y compris en Judée-Samarie. », a annoncé Benjamin Netanyahou en présentant son gouvernement.
A la Knesset, Netanyahou et ses alliés disposent d’une majorité de 64 sièges sur 120. Face à cela, les partis de gauche ont un nombre de députés extrêmement faible : 4 pour l’ancien parti travailliste (HaAvoda), aucun pour le Meretz. Les partis arabes, quant à eux, sont divisés avec 5 députés Ra’am et 5 pour Hadash-Ta’al. L’opposition centriste, menée d’une part par Yair Lapid, d’autre part par Benny Gantz, dispose, elle, de 36 sièges.
Face à ce gouvernement et aux politiques annoncées, des voix institutionnelles s’opposent. Parmi elles : se disant incapable « de continuer à représenter des politiques qui sont si différentes des siennes » l’ambassadrice d’Israël en France, Yaël German, démissionne (6) ; Gali Baharav-Miara, procureure générale, alerte contre « une démocratie qui n’en a que le nom, pas l’essence » ; pour Ron Huldai, maire de Tel-Aviv : « Israël est en train de passer d’une démocratie à une théocratie » (7). Une centaine d’anciens ambassadeurs d’Israël et de hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères s’adressent, dans une tribune au « Monde », au Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, pour exprimer leur « profonde inquiétude » : « Nous, anciens ambassadeurs d’Israël, sommes très inquiets de l’atteinte notable portée à l’identité démocratique de notre pays ».
On s’inquiète aussi beaucoup au sein de la diaspora juive aux USA, en particulier des mesures qui pourraient concerner les LGBT, les femmes et les Juifs « réformés » qui sont majoritaires aux USA. Un fossé se creuse entre eux et la politique israélienne.
Un sondage publié le 4 janvier indique que 70% des Israéliens laïcs sont inquiets pour leur avenir (8).
Est-on face à un véritable tournant de la société israélienne, qui passerait d’une société majoritairement laïque à une société dans laquelle les religieux nationalistes prendraient un poids de plus en plus important ? Si l’on se réfère à la seule démographie, cela parait évident. On assiste plus généralement à une droitisation de la société dans un contexte où le conflit israélo-palestinien n’a jamais été résolu. Droitisation malheureusement aussi à l’œuvre dans de nombreux pays en Europe et dans le monde.
Peut-il y avoir un sursaut des laïcs ou des religieux modérés ? Peut-il y avoir un sursaut des forces de gauche ? La société israélienne va-t-elle finir par s’opposer à ce gouvernement extrémiste ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre mais les manifestations de ces tous derniers jours à Tel Aviv, Haïfa, Jérusalem, rassemblant gauche et centre, peuvent donner un certain espoir.
Notes :
On peut ajouter que certains membres de ce gouvernement voudraient revenir sur « la loi du retour » qui stipule que peut demander à être citoyen(ne) israélien(ne) toute personne qui a un grand-parent juif. Eux voudraient revenir à une loi plus religieuse, à savoir que seuls ceux qui ont une mère juive peuvent y prétendre. ce qui reviendrait à en exclure bon nombre de Juifs d’Ukraine ou de pays de l’ex URSS.
Excellent résumé de la situation politique d’Israel, avec un rappel de la proportion des députés de gauche, du centre et de l’extrême-droite à la Knesset, avec l’énumération également des atteintes récentes aux lois d’Israel. La lettre de l’ambassadrice en France est très belle et aurait mérité d’être insérée dans le corps de l’article.
Hélas oui ! nous partageons les inquiétudes très grandes des autrices du blog. Nous avons très peur. Merci pour ce bel article. Odile et Raymond Krakovitch.