Partager la publication "De très nombreux Israéliens s’élèvent contre les atteintes à la démocratie"
Fin 2022, à la prise de fonctions du nouveau gouvernement israélien, sous la houlette de Benjamin Netanyahou, nous exprimions notre profonde inquiétude (1). Nous nous interrogions aussi sur la probabilité d’une réaction forte des Israéliens face à ce gouvernement extrémiste.
La réponse n’a pas tardé : le gouvernement a émis en janvier un projet de réforme judiciaire, votée le 21 février par la Knesset, visant à diminuer considérablement les pouvoirs de la Cour Suprême. Le gouvernement aurait la majorité sur la nomination des membres de la Cour Suprême et la possibilité, pour celle-ci, de s’opposer aux lois votées par la Knesset lorsqu’elles lui paraissent contrecarrer les Lois Fondamentales (2), serait fortement diminuée. Ce qui, dans le contexte gouvernemental actuel, pourrait ouvrir la voie à toutes sortes de lois rétrogrades et dangereuses.
Face à ce danger, la réaction populaire, dépassant largement l’opposition habituelle, ne s’est pas fait attendre, avec des manifestations hebdomadaires monstres à Tel-Aviv, Haïfa, Jérusalem et dans les autres villes du pays. D’autres pans de la société, peu habitués à s’opposer au gouvernement, se sont également mis en branle : pétitions et tribunes d’anciens pilotes de l’armée de l’air, de réservistes, qui sont des piliers indispensables de l’armée israélienne, d’ex-agents du renseignement ou des commandos, appels d’intellectuels, d’artistes (3) …
Pour les manifestants, il ne s’agissait pas là seulement d’une réforme de plus mais d’un basculement autocratique, d’une remise en cause de la démocratie israélienne.
À l’étranger, d’autres voix se sont également fait entendre : celle de Jo Biden déclarant que « M. Netanyahou n’est pas le bienvenu aux USA », celle du gouvernement américain appelant à un compromis et surtout celle d’une majorité de Juifs américains attachés à une vision libérale du judaïsme (4). A New York et Paris, la visite du ministre des Finances Bezalel Smotrich s’est faite en l’absence des principales organisations juives (5).
Le 27 mars, Netanyahou limoge le ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui, inquiet de la fragilisation de la sécurité d’Israël vu l’ampleur de la réaction dans l’armée, appelait à un report de la réforme. Face à d’énormes manifestations et de multiples actions de blocage, face à un appel à la grève générale lancé par le plus grand syndicat du pays, l’Histadrout, Netanyahou est acculé à… suspendre la réforme.
C’est une victoire qui reste bien sûr à consolider. Suspension n’est pas abrogation.
Et le gouvernement extrémiste reste pour le moment en place. Ces derniers jours, Netanyahou a encore donné des gages aux ministres d’extrême-droite : le 2 avril était créée une garde nationale, sous l’autorité directe du ministre de la sécurité intérieure Itamar Ben Gvir, partisan du « Grand Israël ».
La question de l’occupation des territoires, « ce cancer qui ronge le corps de la Nation » (6), la question de l’égalité entre Juifs et Arabes, questions encore peu abordées dans les manifestations, se posent avec encore plus d’acuité qu’auparavant avec des ministres prônant l’annexion pure et simple, encourageant les colonies, laissant les colons se faire justice eux-mêmes comme cela s’est passée à Hawara (7), avec des ministres racistes, homophobes, et avec la montée d’une influence religieuse très conservatrice. D’où la nouvelle inquiétante flambée de violences.
Il y a encore bien du chemin à parcourir pour cette opposition qui ne faiblit pas et que nous soutenons.
Notes: