Les séries israéliennes : épisode 2 Our Boys (Nos garçons), Betipul (En thérapie)

Deux exemples de séries.

Our boys (2019) de Joseph Cedar, Hagaï Levi, Tawfik Abu-Wael
10 épisodes

Cette série revient sur des événements qui ont conduit à la guerre à Gaza en juillet 2014.  Le 12 juin 2014, trois adolescents juifs qui faisaient de l’autostop pour rentrer chez eux, sont enlevés puis assassinés par deux terroristes palestiniens du Hamas au nord d’Hébron en Cisjordanie. Leurs corps sont retrouvés le 30 juin. Des militants du Hamas sont arrêtés, les rues s’enflamment en Israël. Dans la nuit du 1er au 2 juillet, un adolescent palestinien de Jérusalem est enlevé et brûlé vif par trois jeunes religieux juifs ultra orthodoxes. Le 8 juillet, en réponse à des tirs de roquette depuis Gaza, commence la guerre « Bordure protectrice ». Le 23 septembre les deux meurtriers du Hamas sont abattus par les services israéliens.
Pour ne pas s’en tenir au point de vue strictement israélien – Our boys ( Nos garçons) désigne les meurtriers du jeune palestinien et non les premières victimes israéliennes-, les deux scénaristes Levi et Cedar décident de travailler avec un arabe israélien Tawfik  Abu-Wael. Les épisodes sont écrits à trois, Cedar réalise le versant juif, Abu-Wael le versant arabe. Le film suit l’enquête d’un agent du Shabak*, de l’enlèvement du jeune palestinien jusqu’à la traque des assassins et leur procès. L’agent, Simon Cohen, personnage très déprimé, est tiraillé entre sa hiérarchie, sa famille, l’ambiance haineuse de certains hommes politiques et de la société, souvent vu comme un traître en raison de son souci de vérité. En miroir de la campagne de haine qui se déchaînera contre les auteurs en 2019. Car la série propose une vision non linéaire des événements, en adoptant le point de vue du père de la victime palestinienne et les remords de l’un de ses jeunes meurtriers, Avishaï. « Pour sortir du cercle violent des représailles », dit Joseph Cedar,  » il faut montrer la vérité dans sa complexité ». D’où un souci documentaire par l’intégration d’images d’archives à la fiction.
Comment ont travaillé les créateurs? Une période d’écriture particulièrement longue de quatre ans leur a permis d’aller observer les assassins dans leur prison et de réfléchir sur cette communauté orthodoxe d’origine marocaine, longtemps ostracisée dans les années 1970 par l ‘élite ashkénaze, et qui vit recluse et pauvre. Hagaï Levi dit aussi s’être inspiré de l’attentat de Nice en 2016 : comment en vient-on à un crime haineux?
La réception de la série a été houleuse et en Israël et du côté palestinien. Articles enflammés dans les journaux, appels au boycott de la série par B. Netanyaou et  sa ministre de la culture Miri Regev, critiques de la part de l’extrême gauche trouvant le portrait d’un des meurtriers trop nuancé. Les auteurs ont même  reçu des menaces de mort, chacun dans son camp. A ce jour, Our boys est la seule série israélienne intégrant un point de vue palestinien à égalité avec le point de vue israélien.

Betipul (diffusée entre 2005 et 2008 en Israël)
2 saisons, 80 épisodes

BETIPUL

Betipul (En thérapie) suit le parcours thérapeutique de quatre patients qui se rendent une fois par semaine chez leur thérapeute, Reouven Dagan, lui-même suivi par sa contrôleuse Gila, qu’il consulte pour lui parler de ses patients et de sa vie personnelle tourmentée.
Le dimanche vient Nahama, une chirurgienne de 40 ans, qui lui déclare frontalement son amour; le lundi c’est Yadin, un pilote de chasse de l’armée traumatisé par le fait d’avoir , lors d’une attaque militaire, tué des civils palestiniens à Ramallah; le mardi c’est Ayala, une gymnaste de très haut niveau, victime d’un accident qui l’empêche de s’entraîner; le mercredi Mickaël et Oma Neuman, un couple en crise, se déchirent devant le thérapeute; enfin le jeudi Reouven se rend pour son propre compte chez Gila, la référente avec laquelle il s’est formé autrefois. Hagaï Levi, lui-même patient assidu de thérapies depuis ses 14 ans, et ses co-scénaristes nous font pénétrer dans l’intime des patients et du thérapeute qui a des difficultés familiales avec sa femme qui veut divorcer et ses enfants adolescents qui s’éloignent. Chaque personnage a été pris en charge par un scénariste différent. Malgré le côté statique des séances, la série a rencontré un succès fulgurant en Israël et a été adaptée  dans une vingtaine de pays dont les USA dès 2009 (In Treatment) et la France en 2021 (En Thérapie). En Israël chaque spectateur peut se reconnaître dans Nahama, orpheline de mère, souffrant de syndrôme d’abandon, dont la thérapie révèlera un traumatisme d’ordre sexuel. Ou bien dans Yadin, fils de déporté polonais, considéré comme un héros de l’armée, qui cache ses failles derrière une épaisse carapace, que le sentiment de culpabilité et la découverte d’une homosexualité enfouie, conduira au suicide. Ou bien encore en Ayala, cette jeune sportive bouleversante, victime innocente de son père et de son entraîneur, dont l’accident se dévoilera suicide déguisé. Ou dans le couple en crise de la quarantaine, dont les protagonistes découvrent qu’ils n’ont plus rien à vivre ensemble. Mais les spectateurs se sont surtout attachés au thérapeute, joué par Assi Dayan, acteur très populaire en Israël, fils du général Moshe Dayan, et qui n’a jamais caché ses propres dépressions et addictions. A tel point que des spectateurs ont écrit à Hagaï Levi pour prendre un rendez-vous thérapeutrique…avec l’acteur! Et le DVD de la série est souvent utilisé dans les conférences de psychothérapeutes pour parler du transfert érotique.

NOTES

Our boys : sur My Canal

Betipul : en accès libre sur Arte.fr

 

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