Partager la publication "Les Juifs américains (1654-1939) : 1 Aux origines"
Carte d’Amérique du XVIè siècle
A l’origine l’année 1492, date à laquelle les Juifs d’Espagne sont expulsés ou forcés de se convertir au Christianisme et où Colomb part pour la route des Indes, emmenant avec lui, selon la légende, quelques Juifs, convertis de force au catholicisme, qui se seraient établis en Amérique Centrale et dans le nord du Brésil. Ceux-ci auraient repris secrètement leur religion en essayant d’échapper à l’Inquisition qui a investi aussi les colonies.
Mais la plupart des Juifs expulsés d’Angleterre, d’Espagne et du Portugal (1497) se sont installés aux Pays-Bas, à Amsterdam, république calviniste qui les accueille en toute liberté. En 1630 la Compagnie hollandaise des Indes prend Récife (Brésil) et le nord est du Brésil aux Portugais, aidée par les Juifs, dont la communauté prospère se voit augmentée par de nombreux juifs hollandais venus y faire du commerce. Mais en 1654 les Portugais reprennent le nord du Brésil et les Juifs sont à nouveau expulsés. Certains s’installent dans les Caraïbes, d’autres rentrent aux Pays-Bas; 23? juifs rescapés et démunis échouent dans l’embouchure de l’Hudson, rejoignant la Nouvelle Amsterdam (qui deviendra New York en 1664) fondée par les Hollandais en 1626. Le gouverneur de cette colonie, Peter Stuyvesant, calviniste hostile aux Juifs, essaie bien de les chasser mais la Compagnie des Indes propiétaire de la colonie, reconnaissante aux Juifs, ordonne à Stuyvesant de les garder. En 1664 les Anglais prennent la Nouvelle Amsterdam et permettent aux Juifs de pratiquer leur culte. Peu à peu cette petite communauté de 100 personnes essaime sur la côte est (Newport, Philadelphie), puis le champ s’élargit au Sud (Charleston, Savannah, Richmond). A la fin du XVIIIè siècle les colonies britanniques comptent environ 2500 juifs (soit 1% de la population).
Cette première immigration est majoritairement sépharade, composée de juifs descendant de ceux d’Espagne et du Portugal, venus du Brésil, des Antilles, de Hollande.Ils sont vite rejoints par des Ashkénazes pauvres venus de Pologne , de Lituanie ou d’Allemagne. Les Sépharades forment une sorte d’élite qui veut dominer les Ashkénazes en imposant notamment leur rituel. Mais dès 1802 les Juifs ashkénazes auxquels se sont joints des immigrants Juifs anglais, français et allemands, se séparent des sépharades en construisant leurs propres synagogues et en constituant leurs propres congrégations.
Ces premiers immigrants qui obtiennent en 1740 la nationalité britannique sont surtout des marchands et des commerçants qui traitent avec les colonies et fournissent les armées (ils joueront un rôle économique prépondérant dans la guerre de sept Ans contre les Français (1754-1763). Pendant la guerre d’Indépendance (1775-1783)) des 13 colonies britanniques contre l’Angleterre, les Juifs se partagent entre les deux camps mais beaucoup optent pour les insurgés qu’ils soutiennent économiquement et parfois en s’engageant comme soldats. L’indépendance obtenue, les Juifs sont toujours libres d’exercer leur culte mais ne sont pas sur un pied d’égalité avec les Protestants, en particulier pour l’exercice de certaines professions ou de charges politiques. Ils obtiennent l’égalité entre 1777 et 1877 selon les Etats.
Comment sont organisées ces premières communautés juives? Autour de deux axes : la synagogue et la congrégation étroitement imbriquées.
Comme il n’y a pas encore d’école rabbinique, ce sont les chefs de communauté qui assurent la gestion de la synagogue (10 hommes adultes suffisent pour en fonder une). Parmi eux certains dirigent l’assemblée pendant les offices. Ils peuvent exiger des fidèles le respect de la casherout*, et l’obéissance aux lois juives dans une « orthodoxie pleine de dignité », conforme à la tradition. Parallèlement les Juifs s’organisent en congrégations, (la première, sépharade, se nomme Shearith Israël; la deuxième, dissidente, fondée par des Anglais en 1802, B’nai Jeshurum) qui installent les synagogues, contrôlent les cimetières. Si au départ leurs adhérents en rédigent les statuts en leur langue d’origine, dès 1750 ils s’américanisent, parlent anglais, ont des amis protestants ou catholiques et vivent comme les autres communautés. Mais la religion reste un point d’attache fondamental et l’individu juif ne peut se concevoir séparé de son groupe.
SOURCES
Nathan Glazer: les Juifs américains du XVIIè siècle à nos jours (Calmann-Lévy 1972)
NOTE
Casherout : ensemble des prescriptions alimentaires définies par la Bible concernant les aliments aptes ou non à la consommation et leur préparation.