Lors de l’été 1972, étudiante, j’étais allée travailler en kibboutz, dans les vergers. Bar’am est situé au nord de la Galilée, près de la frontière libanaise. Fondé en 1949 par des membres de l’Hachomer Hatzaïr (1). C’est un kibboutz laïque. En juin 2022, de retour en Israël pour quelques jours, j’y suis retournée. Contrairement à beaucoup d’autres Kibboutz, Bar’am est resté à gestion collective (2). D’après l’un des vétérans, c’est un des quinze kibboutz dans ce cas. Avec cependant beaucoup moins de mise en commun qu’auparavant. Depuis 1996, par exemple,
les enfants ne dorment plus en groupe, hors de la maison familiale. S’il est resté en partie agricole, le kibboutz est devenu aussi industriel, avec une usine de fabrication de matériel médical qui constitue sa principale source de revenus. Les 200 employés, Israéliens juifs et arabes, viennent pour la plupart des villages voisins et y sont salariés.
A quelques kilomètres, les ruines de l’église et d’un vieux village chrétien maronite évacué et rasé lors de la guerre de 1948, rappellent que la création d’Israël s’est faite aux dépens des populations arabes qui vivaient sur ce sol. A côté, les ruines d’une vieille synagogue rappellent aussi la présence ancienne de Juifs. Un aperçu en creux du problème israélo-palestinien toujours non résolu.
Les Israéliens se préoccupent-ils de la question palestinienne? Y sont-ils vraiment confrontés surtout depuis la construction de la « barrière de séparation », barrière qui se présente en beaucoup d’endroits sous forme d’un mur construit au-delà de la ligne verte qui fixait la frontière jusqu’à la Guerre des Six jours de juin 1967 ? Entre la ligne verte et le mur, et bien au-delà, beaucoup d’implantations (3) juives construites illégalement si on se réfère au droit international, puisque construites en territoires occupés. Les plus radicaux des Israéliens croient toujours au Grand Israël (4). Et ils ont gagné, lors des très récentes élections législatives, un poids important au sein de la Knesset et probablement dans le nouveau gouvernement Netanyahou à venir.
En Israël même, débarquant à l’aéroport à Tel-Aviv, on est plongé dans un entrelacs d’autoroutes, de villes nouvelles avec de grands buildings modernes ou en construction.
Restent bien sûr des parties encore vierges ou peu habitées comme certaines parties de la Galilée, les alentours du lac de Tiberiade et le Neguev au sud bien sûr.
Et surtout, par rapport aux années 70, on est étonné du nombre de Juifs religieux orthodoxes. D’un pays, laïque, avec quelques quartiers où vivaient des Juifs Orthodoxes, comme Mea Sharim à Jérusalem, qui en général vivaient éloignés de la politique, on est passé à un pays où les Juifs religieux orthodoxes représentent un poids politique important, nationaliste et extrémiste.
Dans les villes dites arabes du nord d’Israël comme Nazareth ou Safed, on s’est mêlés à la population sans problème dans des cafés bondés mais on était touristes… Il n’y a que dans le quartier arabe d’Acre, ville de la côte nord au-delà la baie d’Haïfa, où on ne s’est pas sentis les bienvenus. Dans cette ville mixte, les tensions très vives qui ont eu lieu en mai 2021 entre Juifs et Arabes y sont sans doute pour quelque chose.
Si la Shoah est encore très présente dès lors qu’on rencontre des personnes âgées, enfants ou petits-enfants de déportés, il s’agit plus pour les générations suivantes d’une page d’histoire qui se rappelle annuellement à eux lors de la journée de la Shoah (5).
A la fin de ce court séjour, quittant Israël, pays juif où les non-juifs ont de fait un statut à part (6), plus ou moins discriminant, où certains rêvent de les voir quitter le pays (7), j’étais contente de me retrouver dans cette France mélangée, même s’il y reste du chemin à faire pour plus d’égalité entre tous.