Par maclarema le dimanche 6 octobre 2013, 13:25 – culture
Rédigé par Reine.
(film de Samuel Maoz)
Ce film, qui a obtenu le Lion d’or à la Mostra de Venise en 2009, décrit le retour du réalisateur sur son expérience d’appelé dans l’armée israélienne.
Vingt-sept ans après les faits, le réalisateur Samuel Maoz (Schmulik dans le film) revient sur sa guerre du Liban de 1982 accomplie en tant qu’appelé.
En dehors du plan final qui ouvre sur un ciel bleu et un champ de tournesols où le char s’est échoué, l’action se passe dans le huis clos étouffant d’un tank habité par quatre appelés dont un officier.
Une vision parcellaire
Tout est filmé à partir du viseur et du périscope du tank, plans à hauteur d’hommes aux visages sales, dégoulinants de sueur, de peur et de colère aussi contre l’arbitraire des ordres. Les soldats, comme le spectateur, ont une vision tronquée du dehors auquel ils sont reliés par le talkie-walkie du commandant qui dirige les opérations. Cette vision parcellaire renvoie clairement à leur méconnaissance des enjeux réels de cette guerre d’occupation: « Que fait un Syrien au Liban ? » demande l’un d’eux qui ignore qui est allié, qui est ennemi d’Israël. L’absurdité de la guerre, « plus chaotique encore que dans le film », dit Samuel Moaz, est ainsi dévoilée. Les ordres venus d’une voix extérieure sans visage sont parfois contradictoires et peuvent conduire le contingent israélien à la mort. Le commandant Jamil, terrible figure de l’autorité au début, finit par s’humaniser, contester un ordre et disparaître du champ (de la guerre et de la caméra). L’officier du tank devient fou et se prépare (en se lavant et se rasant ) comme pour un sacrifice, le conducteur meurt dans une avancée finale désespérée, le tank ayant été en toute conscience abandonné en territoire syrien par l’état-major.
Un ennemi invisible
L’ennemi quasi invisible apparaît pour des scènes d’une violence inouïe ; dans l’une le tireur du tank se trompe de cible et tue un paysan qui crie Salam (paix) et les poulets qu’il transporte pour le marché, alors qu’un âne, dont l’œil semble pleurer, agonise lors d’une attaque. Dans une autre, d’une brutalité insoutenable, une jeune mère qui a tout perdu au plan précédent, erre au milieu des combats, dénudée par les flammes, recouverte d’une couverture par un soldat, elle s’approche du viseur du tank, l’occasion d’un gros plan terriblement accusateur.
La caméra est en accord avec les évènements, nerveuse et secouée avec les soldats ou immobile dans de rares moments d’humanité, quand l’un des tankistes par exemple raconte à ses camarades une anecdote intime et presque drôle. Les sons, les lumières, les plans sont très soigneusement travaillés, au risque d’un certain esthétisme.
Mais jamais la forme ne va jusqu’à étouffer le propos politique critique et la volonté d’exorcisme du réalisateur. Un an après Beaufort de Joseph Cedar et Valse avec Bachir d’Ari Folmann, le regard subjectif de Lebanon sur la première guerre contestée d’Israël (guerre d’occupation et non de défense) est à mettre au crédit du cinéma israélien, très productif, qui, comme le cinéma américain, sait affronter les zones d’ombre de son histoire.
Des fumées ardentes
Les noms de code donnés par l’armée ont beau nous faire croire que la guerre est un jeu de mots et non de maux (le lieu à atteindre pour l’attaque s’appelle Saint-Tropez, les bombes à phosphore interdites sont transformées en « fumées ardentes » ; de ce tank nous ne sortons pas indemnes.
Les visages effarés des soldats d’Israël, de la mère libanaise nue au milieu de ses ennemis, du prisonier syrien effrayé par le sort qui l’attend chez les phalangistes, nous hantent encore longtemps après.
- Lebanon, film de Samuel Maoz, sorti en 2010.
Bien installés dans nos fauteuils, loin, on est avec eux, près d’eux, dans ce char. Terrifiant!