Israël / Hezbollah, quel avenir ?

Les Israéliens, retranchés derrière leurs murs et confiants dans leur armée, vivent dans ce qui semble être une relative sécurité au sein d’une région minée par de sanglants conflits. Ils suivent cependant avec inquiétude l’évolution de la situation des pays voisins, et particulièrement d’une organisation libanaise jouant un rôle déterminant dans la guerre en Syrie et dont Tsahal a déjà éprouvé les capacités de résistance, le Hezbollah.

Qu’est-ce que le Hezbollah ?
Le Hezbollah, le « parti de Dieu », s’est constitué en 1982 au sein de la communauté chiite, à la suite de l’intervention militaire israélienne au Liban, soutenu financièrement et militairement par l’Iran qui lui offre un modèle d’état islamique avec l’ayatollah Khomeini comme guide spirituel. Il comporte une branche politique et confessionnelle implantée au Liban et une branche militaire, le « Conseil jihadiste ». La destruction de l’État d’Israël est un objectif revendiqué par le mouvement. 

En 2009 une nouvelle charte met à jour ses objectifs, dont le premier reste « La résistance face à la menace israélienne ». En abandonnant la revendication initiale d’un Etat islamique calqué sur l’Iran, le Hezbollah présente un programme politique « moderne » déclarant par exemple renforcer le rôle de la femme dans la société ou l’indépendance de la justice. Il affiche ainsi à la fois une relative autonomie de décision par rapport à son modèle et son ambition de se positionner en parti de gouvernement au Liban. Les Chiites, représentant environ 27 % de la population libanaise, doivent, pour accéder au pouvoir, se montrer assez ouverts pour passer des accords de coalition avec d’autres communautés. (voir en note, dans les documents consultés, la répartition confessionnelle libanaise).

Hassan Nasrallah, qui dirige l’organisation depuis 1992, a développé de front les activités politiques et militaires. La création de nombreux services sociaux lui vaut la reconnaissance de la population chiite, des organisations scolaires et éducatives assurées par les religieux encadrent la jeunesse. Le Hezbollah s’inscrit aussi dans le jeu électoral libanais : en 2005, après l’assassinat du premier ministre sunnite Rafiq Hariri (dont il est actuellement soupçonné), 14 de ses candidats sont élus à l’Assemblée et il obtient le ministère de l’Energie au gouvernement. Depuis cette date, l’implication du Hezbollah dans la vie politique libanaise n’a cessé de croître, il participe, en alliance avec le parti chrétien, aux différents gouvernements dits « d’union nationale » émaillés par de nombreux conflits. L’élection du chrétien Michel Aoun au poste de président de la République en octobre 2016 témoigne de la montée en puissance du Hezbollah qui l’a soutenu.

Le « parti de Dieu » n’a cessé par ailleurs de développer également sa branche militaire ; il a recruté des milliers de volontaires qui combattent sans uniforme, mêlés à la population civile, dans une tactique de guérilla . Sur le plan théologique, la conception d’un « djihad défensif » couplée à l’idée de « martyre » permettant d’échanger « la vie d’ici-bas contre la vie dans l’au-delà », légitime des opérations kamikazes imprévisibles et difficiles à contrer.
Les brigades chiites disposent de matériels assez sophistiqués tels que missiles antinavire, missiles sol-sol et missiles antichar, fournis en grande partie par l’Iran. Des milices paramilitaires accueillant aussi des non-chiites peuvent leur être associées.
Les prises d’otages, les assassinats et les attentats dans le monde, visant principalement des Israéliens et des institutions juives, lui valent d’être inscrit sur une liste des organisations terroristes par de nombreux pays, mais dans le même temps le Hezbollah suscite la sympathie et l’espoir de populations palestiniennes ou arabes privées d’horizon politique, par ses capacités de résistance face à l’armée israélienne, et son efficacité militaire en Syrie.

L’embrasement du Proche Orient constitue pour le parti chiite une occasion de monter en force. Le Hezbollah, qui participe depuis 2011 de manière déterminante aux combats en Syrie (appuyé par des forces russes) au côté des milices chiites iraniennes et de l’armée gouvernementale de Bachar El Assad, a acquis dans cette guerre une expérience tactique redoutable, du matériel militaire sophistiqué et des compétences technologiques nouvelles. Il a noué des alliances stratégiques avec l’Iran, la Russie et le gouvernement syrien, et gagné le statut de puissance régionale,
Que se passera-t-il lorsque, la guerre en Syrie allant vers sa fin, cette organisation combattante retournera chez elle au Liban ou sera disponible pour d’autres terrains ?

Quelles perspectives pour Israël ?
Les dirigeants israéliens surveillent évidemment avec une extrême attention l’évolution de la situation au Liban et plusieurs facteurs peuvent inquiéter Israël :
– Le Hezbollah s’est révélé à plusieurs reprises capable de tenir tête à Tsahal : lors de l’occupation, jusqu’en 2000, du Sud Liban par Israël et encore en 2006 lorsque l’armée y intervient à nouveau en réponse à l’enlèvement d’un soldat israélien par le « parti de Dieu ».
Actuellement son engagement décisif dans la guerre syrienne montre une progression inquiétante de sa puissance militaire ainsi que des liens politiques renforcés avec l’Iran et la Russie.

– Il entretient en outre d’étroites relations avec les mouvements palestiniens : Le Liban a accueilli, au moment de la création d’Israël, plus de 225 000 réfugiés palestiniens, selon les chiffres officiels, répartis en 12 camps ; Les mouvements chiites s’en sont montrés le plus souvent solidaires : contre Israël, et contre les milices chrétiennes lors de la guerre civile libanaise (1975-1990), et particulièrement à partir de 1992, lorsque, à la suite de l’assassinat d’un soldat israélien par le Hamas, plusieurs centaines de dirigeants et militants de cette organisation sont expulsés par Israël au Sud Liban ; ils sont pris en charge par le Hezbollah et un peu plus tard par les représentants au Liban des gardiens de la Révolution iranienne qui contribuent à leur financement, leur formation et leur équipement. S’est établie ainsi une longue relation du Hamas avec les organisations chiites libanaises et iraniennes.

– L’Iran, qui tient toujours un discours promettant la destruction de l’Etat d’Israël, est devenu la puissance dominante des Pays du Proche Orient.

La guerre avec le Hezbollah est-elle inévitable ?
Même si la dénonciation du « sionisme » reste un étendard brandi en de multiples lieux, les guerres ont déplacé la fracture principale du Proche Orient : les conflits entre L’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite ont pris le pas sur d’autres clivages et ne font que s’aggraver. Par ailleurs les problèmes intérieurs des pays de la région sont tels que la question palestinienne est reléguée au second plan .

On voit bien que l’Arabie saoudite, trop faible militairement pour pouvoir affronter l’Iran et un de ses bras armés le Hezbollah, cherche des occasions d’impliquer Israël, espérant l’appui de Tsahal. Mais la convergence objective des intérêts de l’Arabie saoudite et d’Israël, tous deux alliés des Etats-Unis et opposés à l’Iran, les déclarations de Benjamin Netanyahou évoquant jeudi 23 novembre la « coopération fructueuse » et « secrète » d’Israël avec des pays arabes, le bombardement occasionnel sur quelques cibles syriennes, sont loin de signifier une entrée en guerre.
Jusqu’à présent, en particulier par la voix de généraux et de responsables des services de renseignement, Israël s’est tenu à l’écart de tout engagement sur le terrain et ne se mettra sûrement pas au service de l’Arabie saoudite. Israël table plutôt sur de nouvelles alliances dans le camp arabe.

Une nouveau conflit armé pourrait-il éclater du côté de la frontière libanaise ? Dégagé du terrain syrien, et à défaut de pouvoir reconvertir ses combattants, le Hezbollah pourrait être tenté, poussé ou non par l’Iran ou par des Palestiniens, de prendre l’offensive contre Israël. Mais le Hezbollah, qui connaît la puissance militaire d’Israël, a perdu déjà plus de 2.000 hommes et cadres militaires en Syrie, la population chiite libanaise peut- elle consentir de nouveaux sacrifices ? Maintenant au pouvoir au Liban, le « parti de Dieu » prendra-t-il le risque de faire éclater sa coalition gouvernementale en engageant une nouvelle guerre qui ravagerait le Liban ?
D’autre part, il n’est pas certain que l’intérêt de l’Iran soit actuellement d’attiser les conflits : l’Iran a dejà versé un tribut des centaines de milliers de morts  dans les guerres du Proche Orient, engagé des dépenses militaires considérables au détriment des investissements dont le pays a besoin, alors qu’une grande partie de la population aspire à la tranquillité et à la normalisation des rapports avec le monde.

L’avenir est bien sûr imprévisible, et, parmi les multiples impondérables on peut compter : la diplomatie chaotique de Donald Trump, l’évolution de la situation militaire et politique en Syrie, le devenir de Daesh, le jeu calculé de Vladimir Poutine, les réactions de populations en souffrance, les emballements nationalistes et religieux…
Les relations d’Israël et du Hezbollah s’inscrivent dans cette toile d’araignée.

Documents consultés

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