Rédigé par Marianne et Maya.
Une chronique douce-amère
L’idée que les négociations de paix israélo-palestiniennes ne pouvaient ignorer la question des Palestiniens vivant dans les camps de réfugiés établis en 1948-1949 nous a, entre autres raisons, conduites à prendre le chemin du cinéma Les 3 Luxembourg où était projeté le film.
Primé à la Berlinale 2013 (Peace Film Prize), « A World Not Ours » de Mahdi Fleifel nous introduit dans les camps de réfugiés palestiniens.
Mahdi Fleifel, le réalisateur, est né dans les années 80, dans le camp de réfugiés d’Ein El Helweh, créé en 1948 au sud Liban. Quand il était encore enfant, ses parents sont partis à Dubaï puis en Europe, au Danemark, dans, dit-il, ce « pays de neige inconnu de tous ». Lui vit désormais en Europe. Mais il revient dans le camp tous les ans, celui-ci est son lieu d’ancrage.
Chronique douce-amère de vies plombées par l’exil, les séparations, le désenchantement, le film entrelace, sur un ton humoristique et empathique, de vieilles pellicules tournées en amateur par son père, dans le camp et dans les lieux de séjour de la famille, des images historiques d’archives, et les tournages de Mahdi dans le camp.
Ce camp, c’est environ 70 000 habitants sur deux kilomètres carrés, où, sans nationalité libanaise, sans identité reconnue, sont confinés depuis 1948 ceux qui sont identifiés comme « réfugiés palestiniens ».
Pour entrer dans le camp, il faut montrer patte blanche aux soldats libanais. Et ceux qui y vivent ne peuvent s’établir ou travailler facilement en dehors du camp. N’y pénètrent que quelques invités ou membres des familles.
Mahdi se focalise sur quelques personnages : son grand-père bougon, exaspéré par les jeux des enfants, que l’on voit jouer au foot et à la guerre ; l’oncle, totalement désorienté depuis la mort de son frère, tué par un sniper, dont la plus grande joie est d’élever des oiseaux ; et un ami qu’on suit dans sa vie de tous les jours.
Ancien prisonnier torturé par des groupes libanais, membre du Fatah qu’il quitte au cours du tournage, devenu sceptique sur toute forme de « révolution », ce dernier ne rêve plus que de partir. Aucun pays d’accueil n’étant accessible, il s’enfuira par la Syrie, la Turquie, la Grèce et sera arrêté dans les montagnes serbes, avec retour forcé à Ein El Helweh.
Face à cette vie sans espoir, désœuvrée, dans cette ville enclavée où tous tournent en rond, est évoqué en arrière-fond, le choix de certains pour une voie radicale à laquelle peu semblent croire.
Regrets : aucun personnage de femme, sauf, rapidement et mystérieusement, une femme qui se marie, maquillée et triste, qui va suivre son mari installé à l’étranger. Et furtivement, en images d’archives, la grand-mère décédée.
Peu de mentions également sur l’histoire de ce camp, son organisation, les rapports sociaux, hormis ceux entre les hommes qu’on voit errer et tuer désespérément le temps, sur ce que pensent les personnages des sujets brûlants, le droit au retour, les exilés…
Une vision personnelle, une plongée dans une réalité dure, qui porte cependant un message d’espoir par l’évocation de la vie qui se continue…