Campement d’émigrants juifs à la gare de Lyon
Nous qui avons des parents, des grands-parents ou des ancêtres plus lointains venus d’ailleurs, qui ont fui les discriminations, les humiliations et les violences, poussés par la misère et l’espoir d’une vie plus digne, regardons cette illustration tirée du Supplément Illustré du Petit Journal du 10 septembre 1892 intitulée « Campement d’émigrants juifs à la gare de Lyon ».
Elle fait penser à ces Roms que nous croisons dans les nuits glacées de Paris, abrités avec de petits enfants dans des cabines téléphoniques, errant autour des gares, mendiant aux abords des boulangeries, des gens prétendument « inassimilables »…
Le Guide du Collectif national droit de l’homme Romeurope rappelle les droits des Roms et décrypte les préjugés qui les stigmatisent. Il balaie les idées reçues, fournit des références de textes et la liste des associations participant au Collectif.
Contrairement aux idées reçues, les Roms ne sont pas tous roumains et misérables mais, «parmi tous les Roms présents en France, seuls les plus pauvres d’entre eux sont les plus visibles car vivant dans des squats et bidonvilles»
Le commentaire du Petit Journal, empreint de compassion pour des émigrants juifs expulsés de Roumanie, pourrait aussi bien décrire tous ces gens démunis, souvent Roms, qui campent aujourd’hui dans les rues de Paris, et les réactions des passants.
Extrait : « La cour de la gare de Lyon, à Paris, présentait, ces jours derniers, un aspect singulièrement curieux et aussi singulièrement attristant. Une centaine de malheureux vêtus de loques bigarrées et parfaitement sordides y avaient établi leur campement, à l’énorme stupéfaction des employés et des voyageurs.
» Ils étaient là, comme notre dessin les représente, faisant leur cuisine, lavant leurs loques dans des troncs d’arbres creusés qui leur servent à la fois de baquet et de berceau pour leurs enfants, et, la nuit venue, se serrant les uns contre les autres pour dormir. » Tout d’abord, ils s’étaient installés sous la véranda ; mais les voyageurs se plaignirent du contact possible, étant donnée la malpropreté trop visible de ces étranges voyageurs ; de plus, en ces temps où l’on craint tant les épidémies, on invoqua la cause sacrée de la salubrité publique. Aussitôt on repoussa les pauvres bagages jusque dans la cour, et toute la bande les suivit, résignée, sans une plainte. » Pour quelques instants le campement se reforma en plein air, il fut encore dispersé; alors la triste bande descendit sur le boulevard et s’installa le long du mur de Mazas, puis revint encore dans la gare, et enfin grâce à la charité put être logée dans deux hôtels de la rue Charenton et de la rue de Citeaux. »
« Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons.
Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols, et j’ai entendu de jolis mots à la Prud’homme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre.
C’est la haine que l’on porte au bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Il est vrai que beaucoup de choses m’exaspèrent.
Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. »
(G. Flaubert, lettre à George Sand, Croisset, vers le 15 juin 1867)
merci de ce beau et généreux texte que je ne connaissais pas.