Conséquences de l’Occupation : 3ème partie : l’accès à l’eau

Rédigé par Reine.

La problématique de l’eau s’inscrit fortement dans le conflit israélo-palestinien dans une région très aride qui connaît une situation de « stress hydrique » (moins de 1000 m3 d’eau /personne/an). La situation est complexe puisque Israël, qui est en position dominante, exploite et répartit des ressources situées presque totalement dans deux territoires qu’il occupe: le Golan et la Cisjordanie

carte des ressouces en eau

légende

 

1 Un peu de géographie

Le Jourdain prend sa source au Mont Hermon au sud Liban, passe par les lacs Houlé et Tibériade en Israël, rencontre le Yarmouk qui vient de Syrie et se continue sur 310 km jusqu’à la Mer Morte. Son débit, naturellement faible, diminue à cause de la surconsommation de ses eaux qui assèche également la Mer Morte. Il existe d’autre part quatre nappes aquifères phréatiques ( région côtière, Sud-Ouest, Nord et Est de la Cisjordanie).

2 Rappel historique

Depuis le début du XXème siècle, l’eau est un enjeu majeur générateur de conflits. Dès 1919, les immigrants juifs veulent annexer le Sud du Liban et le plan Hays (ingénieur américain) préconise la dérivation du Jourdain vers le désert du Néguev pour favoriser le développement de l’agriculture en Palestine. Après le 15 mai 1948, Israël contrôle toutes les eaux du Jourdain. Mais un programme est arrêté par l’ONU au nom d’un meilleur partage des eaux : le plan Johnston (1953) établit le caractère transfrontalier du bassin du Jourdain (Israël, Jordanie, Liban et Syrie), ce que rejette Israël. D’ailleurs, dès la fin de l’année 1953, Israël aménage unilatéralement le lac Houlé en le raccordant au lac Tibériade et en 1959 commence le chantier de l’Aqueduc national qui détourne les eaux de Tibériade vers le reste du pays. Cet Aqueduc est l’objet d’un attentat du Fatah en 1964 et à leur tour les Jordaniens, Libanais et Syriens détournent les eaux du Jourdain, travaux bombardés par les Israéliens.
La victoire d’Israël lors de la guerre des Six Jours (1967) lui permet de contrôler le cours aval du Jourdain et les sources du Yarmouk dans le Golan. Entre 1978 et 2000, l’occupation du Sud Liban permet le détournement des eaux du Litani (fleuve libanais) vers Israël grâce à un système de pompage.

Les accords d’Oslo II en 1995, dans l’ article 40 de l’annexe III, fixent les modalités de partage de l’eau pour 5 ans au terme desquels les accords auraient dû être rendus définitifs. (Mais ces accords définitifs ne sont toujours pas signés). Que prévoient-ils? Israël doit transférer pouvoirs et responsabilité de l’eau et des eaux usées à la Palestine, la propriété des infrastructures et du traitement des eaux usées, ainsi que la gestion dans les Territoires occupés étant reportées à l’accord final.
Les deux parties doivent mettre en place un Comité mixte de l’eau pour coopérer sur le terrain.

3 Situation concrète actuelle dans les Territoires occupés

Depuis 1967 Israël a établi une législation limitant le droit des populations (Druzes dans le Golan et Palestiniens de la rive occidentale du Jourdain) à utiliser l’eau déclarée « ressource stratégique sous contrôle militaire ». Concrètement :
Israël gère en quasi-monopole (l’Autorité palestinienne s’occupe seulement de 18 % des ressources) l’exploitation et le partage de l’eau entre les deux peuples. 1/3 de ces ressources viennent du Jourdain, 2/3 des nappes souterraines.
Les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie sont considérés « en stress hydrique » par la Banque mondiale : quand les Israéliens consomment 280 l d’eau par jour, les Palestiniens n’en ont que 73 litres.
Les Palestiniens sont soumis à des quotas d’eau et ne peuvent forer de nouveaux puits sans autorisation israélienne (difficile à obtenir). Toute construction d’usine palestinienne de traitement des eaux est soumise à six ans d’attente. Même l’entretien des réseaux défectueux (40% de taux de fuite à Bethléem par exemple) est subordonné à un accord d’Israël.
Le prix de l’eau est fixé par la Compagnie des eaux israélienne, Mekorot. En conséquence, les Palestiniens paient l’eau agricole au prix de l’eau potable, soit quatre fois plus cher que les colons subventionnés. De plus le Mur de sécurité et l’enclavement des villages palestiniens désorganisent les systèmes d’irrigation ; on peut noter que seules 5% des terres palestiniennes sont irriguées (contre 69% pour les colons) alors que l’agriculture représente 30% du PNB palestinien (contre 5% du PNB israélien). 200 OOO Palestiniens qui n’ont pas l’eau courante sont approvisionnés par camions citerne qui circulent mal en raison des détours et des barrages. Par exemple dans la colonie de Maaleh Adumim (à l’est de Jérusalem), on remarque l’existence de fontaines avec des jets d’eau en continu et d’une piscine olympique alors que le village palestinien d’Abu Dis qui lui fait face est approvisionné difficilement par des camions citerne.

4 Situation politique et perspectives

Si, en raison de la pression démographique, la surconsommation d’eau et l’abondance de projets agricoles aboutissent à une baisse des ressources et à une salinisation des nappes phréatiques, surtout à Gaza, seul le terrain politique peut permettre des solutions. Car sur le plan technique, Israël est le pays le plus performant au monde dans le domaine de l’eau : traitement des eaux usées, désalinisation de l’eau de mer (quatre usines qui peuvent produire 80% de l’eau potable dans les villes). Il a les moyens technologiques de fournir en eau les deux populations. Sur le plan politique, l’accord signé en décembre 2013 par des ministres israéliens, jordaniens et palestiniens prévoit la construction d’un canal souterrain de 200 km reliant, en Jordanie, la Mer Rouge à la Mer Morte et d’une usine de dessalement à Aqaba, pour stopper l’assèchement de la Mer Morte et pallier la pénurie d’eau en Jordanie et en Palestine. Mais au prix d’un risque écologique majeur et d’un budget considérable.

Quelles sont les perspectives actuelles d’un règlement? Certes les situations sont déséquilibrées : aux Israéliens qui, en raison de leur concept fondamental de « sécurité » (security first), posent le problème de l’eau en termes techniques de besoins, sans se référer aux conventions internationales, les Palestiniens répondent en termes de droits politiques (l’article 55 de la IVème convention de La Haye stipule qu’une puissance occupante ne devient pas propriétaire des ressources en eau du pays occupé).
Or, malgré ces divergences, le Comité mixte instauré par Oslo fonctionne régulièrement et les deux parties coopèrent sur le terrain : Israël dote davantage en eau les Palestiniens que ce qui était prévu à Oslo et se dit prêt à partager ses compétences technologiques. La balle est en premier dans le camp israélien, mais aussi dans le camp palestinien, enfin dans celui de la communauté internationale qui finance de nombreux projets. Il faudrait que les Israéliens et les Palestiniens puissent construire un véritable dialogue sur l’environnement et le partage de l’eau et mettent en place des projets collaboratifs à grande échelle, comme l’ont fait quelques ONG militant pour la paix. La crise de l’eau a changé de nature : il s’agit plus d’une volonté politique d’égalité dans la répartition que d’un problème de rareté des ressources.

Références:
Site Les Clés du moyen-Orient
Article de Gilbert Benhayoun, Président du groupe d’économistes de l’Université d’Aix-en-Provence

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