L’histoire personnelle du peintre Sam Szafran (1934-2019) peut en partie expliquer son oeuvre et les obsessions qui y sont attachées.
Né dans une famille juive polonaise, il se cache pendant la guerre après avoir échappé à la rafle du Vel d’Hiv. Son père et une grande partie de sa famille meurent dans les camps nazis. En 1948 il part avec sa mère et sa soeur à Melbourne chez un oncle très rigide qui n’hésite pas à le suspendre dans le vide à l’escalier de la maison familiale. Il est très malheureux et fugue souvent. De retour à Paris en 1951 c’est un adolescent des rues, pauvre, sans éducation, qui rejoint la bande de voyous des Lilas. Son talent pour le dessin et son goût inné pour l’art le sauvent de la délinquance. Il se met à fréquenter dès 1952 les artistes de Montparnasse dans des cafés où l’on parle yiddish, russe. Des artistes comme Zadkine, Giacometti, des peintres de l’Ecole de Paris* l’initient à l’histoire de l’art et à la littérature. Il dessine à l’atelier de la Grande Chaumière* vers 1953. Il cherche une école, échoue à l’examen des Arts Appliqués à cause de la dictée. Il suit des cours de la ville de Paris, décore des carrosseries de vélos ou de voitures pour gagner sa vie, commence à dessiner et peindre dans des coins d’ateliers qu’on lui prête. Au début il commence par l’abstraction. Mais très vite, sous l ‘influence de Nicolas de Staël, de Giacometti et des peintres de l’Ecole de Paris, il se dirige définitivement vers la figuration, à l’inverse des courants de l’époque, ce qui lui vaudra, selon Jean Clair*, le mépris durable des institutions françaises, comme d’autres figuratifs en leur temps comme Derain ou Balthus. Une exposition de ses oeuvres est annulée au dernier moment au Centre Pompidou. Il épouse Lilette Keller en 1963. Ils ont un fils handicapé.
Szafran commence à être exposé et bien vendu dans la galerie Claude Bernard*à partir de 1965. De grands collectionneurs comme Pierre Matisse lui achètent des tableaux. En 1982 il est invité à la Biennale de Venise. En 1993 il reçoit le Grand Prix de la ville de Paris. Des rétrospectives sont organisées à Martigny en Suisse et à la fondation Maeght de St Paul de Vence en 1999-2001. Mais il faut attendre cette fin d’année 2022 pour qu’une institution française lui consacre une rétrospective. Continuer la lecture