Nous avons vu qu’Odessa, avant 1939, appartient à la République socialiste d’Ukraine, membre de l’URSS depuis 1922. Le yiddish est langue d’état au même titre que l’ukrainien et le russe. Même si l’antisémitisme est loin d’avoir disparu, il n’y a plus de pogrom à Odessa. Beaucoup de Juifs s’engagent dans le communisme et adhèrent à la politique de Moscou, surtout ceux des quartiers pauvres qui y voient une amélioration possible de leurs conditions de vie (en-dehors des deux grandes famines qui ont tué des millions de personnes en URSS). Les Juifs riches ou moins riches, qui ont pris le parti des Russes « blancs » pendant la guerre civile, émigrent en masse vers les Etats-Unis, l’Argentine ou l’Europe (en particulier la France), et les militants sionistes partent pour la Palestine mandataire où ils deviendront les pionniers de l’Etat d’Israël. Le 22 juin 1941 l’Allemagne, après avoir rompu le pacte germano-soviétique signé en 1939, envahit l’URSS (opération Barbarossa) et en octobre 1941 la Roumanie, alliée des Nazis,
envahit Odessa et occupe la région jusqu’en 1944. Entre juin et la mi-juillet 1941 une minorité de juifs ukrainiens se sont déjà enfuis par leurs propres moyens vers le centre de l’URSS non occupé. Le pouvoir stalinien favorise l’évacuation des officiers, des hauts foctionnaires du parti et des enfants de moins de 15 ans, en priorité à Moscou et Léningrad, puis dans les zones frontalières de l’ouest, quelle que soit leur origine ethnique. Les bundistes (juifs socialistes et laïcs, non staliniens) et les sionistes sont envoyés au Goulag, les soldats rejoignent l’Armée rouge, les ouvriers travaillent en usine ou dans les mines et sont « soviétisés » à marche forcée. Quelques milliers sont envoyés au Kazahkstan ou en Sibérie dans un but de peuplement. D’après l’article très détaillé de Laurent Rucker dans les Cahiers de la Shoah, il n’y a pas eu de véritable politique de sauvetage des minorités par Staline*. L’invasion allemande a paralysé le pouvoir russe et a mis en déroute son armée. Les populations se retrouvent assujetties au Reich et pour les Juifs qui sont restés en Ukraine, c’est le début de persécutions sans précédent dans le contexte de « la Shoah par balles ». A Odessa, à la suite d’un attentat contre le gouverneur roumain, 44 000 juifs sont assassinés entre le 22 octobre et le 1er novembre 1941 par les troupes d’Antonescu* et leurs supplétifs ukrainiens nationalistes et allemands. Les survivants sont rassemblés dans des ghettos où beaucoup meurent de famine ou du typhus. Ceux qui ne sont pas morts sont ensuite, dès 1942, déportés et exterminés dans des camps près d’Odessa ou plus à l’ouest en Transnistrie roumaine, qualifiée de « dépotoir ethnique » par Antonescu. 115 000 Juifs odessites et 50 000 Tziganes y périront, mêlés aux Juifs roumains. Odessa est libérée par les Russes en 1944 : il n’y reste alors que quelques centaines de Juifs survivants. Continuer la lecture